De l’art moderne et argenté en filigrane de l’Akita
De l’art contemporain sous l’égide d’une fresque des quatre saisons et l’artisanat du filigrane d’argent dans la ville d’Akita, à des centaines de milliers de manga originaux et une collection exceptionnelle d’Akita ranga dans la ville de Yokote, découvrez les trésors artistiques de l’Akita entre la mer et la montagne.
Le Musée d’Art d’Akita : des fresques d’Akita au cours des saisons
En plein centre-ville d’Akita, le Musée d’Art d’Akita habite une structure de béton imposante qui fait face à son passé de l’autre côté des douves. Le musée a aussi ses propres douves, sous forme d’une sorte de piscine panoramique à l’extérieur du salon au deuxième étage, où l’on peut boire un café en contemplant le parc Senshu parfaitement cadré comme une fresque de verdure urbaine.
Si on ne voit pas jusqu’au portail du château de Kubota, on aperçoit notamment le toit triangulaire de l’ancien musée préfectoral d’Akita, ouvert en 1967. En face, ce nouveau bâtiment dédié à l’art contemporain conçu par l’architecte renommé Tadao Ando reprend ses formes triangulaires à l’horizontal, par exemple pour les panneaux du plafond et les murs de l’atrium qui surplombent un dramatique escalier en colimaçon sur un sol en granit.
Prenant le relais de l’ancien musée depuis 2013, le nouveau Musée d’Art d’Akita reste fidèle à sa mission principale de conserver la collection personnelle de Masakichi Hirano, un collectionneur d’art issu d’une riche famille marchande de la ville d’Akita. Au cœur de sa collection se trouvent les œuvres de Tsugouharu (Léonard) Foujita, un artiste japonais (naturalisé français en 1955) formé à la peinture occidentale à Tokyo avant d’établir sa réputation à Paris à la fin des années 1910. La galerie permanente qui lui est dédiée expose entre autres ses fameux portraits de femmes nues, de chats, de scènes intérieures sur un fond « blanc laiteux » qui valorise son style inédit, un mélange des techniques de la peinture à l’huile et des estampes encrées.
Cependant la salle est dominée par l’immense peinture murale « Événements d’Akita » créée par Foujita dans un grenier à riz en 1937 spécialement pour Hirano et leur projet commun d’ouvrir un musée d’art à Akita. La peinture à l’huile de 20,5m x 3,65m est un hommage passionné à la région, décrivant ses trois festivals saisonniers (le festival Sanno au sanctuaire Hie Hachiman en automne, le festival dédié au Brahma au sanctuaire Miyoshi en hiver, et le spectaculaire festival Kanto des lanternes accrochées à des poteaux portés en équilibre chaque été) ainsi que la vie quotidienne enneigée des habitants. C’est une œuvre émouvante, à la fois par son histoire, son format majestueux et sa grande sensibilité aux détails de ce qui fait vibrer la région d’Akita.
L’atelier d’argent Yadome : l’art délicat du filigrane d’Akita
©︎Yadome
A quelques pas du Musée d’Art d’Akita, de l’autre côté de la rivière Asahi, l’atelier d’argent Yadome conserve et ravive l’artisanat traditionnel du filigrane d’argent d’Akita. Cet art délicat consiste à tordre des fils d’argent fins d’un diamètre de 0,2 millimètres en spirale et autres formes ondulantes afin de créer des sculptures ou des bijoux exquis.
Cette tradition du filigrane d’argent remonte à la période d’Edo, car la région a toujours été riche en ressources minérales. Le domaine d’Akita était l’une des principales mines du Japon, avec une production abondante d’or, d’argent et de cuivre. Les artisans de l’époque qui façonnaient des épées, armures, armes et autres accessoires de métal travaillaient déjà au même endroit autour du château de Kubota, où vivait le clan Satake.
Depuis, le filigrane d’argent d’Akita est désigné comme bien culturel immatériel de la ville d’Akita et comme artisanat traditionnel de la préfecture d’Akita. En 1952, l’école d’artisanat de la ville d’Akita (actuellement l’Akita Public College of Art and Design High School) a été créée spécialement pour former les artisans de filigrane d’argent d’Akita. Les trois artisanes de l’atelier Yadome, issues de cette même école, créent des bijoux d’une infime finesse, jusqu’à des bagues aux motifs de riz et de l’iburi gakko caractéristiques de la préfecture.
Contrairement aux autres filigranes qui utilisent de l’argent sterling à 92,5%, le filigrane d’argent d’Akita se distingue par son usage principal d’argent pur, qui est particulièrement malléable, et permet de créer des formes plus complexes et élégantes. Également uniques au filigrane d’argent d’Akita sont la technique de soudure de ces fils d’argent sterling très fins, et une méthode de finition qui accentue le contraste entre la blancheur et la brillance de l’argent pur.
Le Musée du Manga de Yokote Masuda : à l’honneur du manga et l’art des mangakas
Dans les montagnes au sud de la préfecture d’Akita, dans le quartier de Masuda à Yokote, le Musée du Manga propose à la fois un glorieux hommage à cet art populaire et un sérieux effort de conservation des œuvres originales de ces artistes dits mangakas. Ici la passion du manga s’exprime généreusement sur toutes les surfaces, du vitrail au-dessus de la porte d’entrée et tout autour des grands escaliers en colimaçon, au café où des illustrations décorent les murs et cadrent les tables, en passant par l’immense montage de planches de manga qui monte jusqu’au plafond, ou les blocs de katakana noirs géants qui se lisent « waou ».
Les archives du musée contiennent plus de 450.000 dessins originaux de 183 mangakas issus du Japon, de la Chine, de Hong-Kong, de Taïwan, de la Corée du Sud et de la Malaisie. Parmi eux, 11 artistes japonais vivants de styles très différents ont confié au musée la préservation de leur œuvre entière. La collection permanente comprend notamment 45.000 dessins du mangaka local Takao Yaguchi, devenu le premier directeur honoraire du musée ouvert en 1995, et dont le portrait photo veille encore sur le coin bibliothèque dédié aux artistes de l’Akita.
Mais la ressource incontournable de cette véritable mangathèque qui conserve la plus grande collection de dessins originaux du Japon, c’est la salle des archives et de consultation Manga Kura. On peut notamment y rechercher, agrandir et examiner des dessins originaux numérisés en haute résolution sur un écran tactile, afin d’apprécier chaque trait du stylo accompagné des notes des auteurs à leurs assistants. Pour certaines œuvres, on peut aussi regarder tous les dessins originaux de l’épisode dans l’ordre, stockés dans une armoire à tiroirs.
C’est un lieu fascinant qui donne l’impression d’être sans limites, où l’on se promène les yeux rivés aux murs, aux dessins et aux livres, aussi heureux de reconnaître des images d’enfance que de découvrir de nouveaux univers créés par de mangakas du Japon ou d’outre-mer. Une occasion exceptionnelle de se régaler de l’art du manga dans toutes ses facettes, quelle que soit sa culture ou sa génération.
Le Musée d’Art Moderne d’Akita : hommage à l’Akita ranga
Le Musée d’Art Moderne d’Akita est un espace de haute culture inattendue dans un bâtiment coupé en rectangles situé depuis 1994 dans un parc à thème pour familles à Yokote. Perché sur une colline, il est entouré de trois jardins de sculptures représentant des animaux ludiques (comme des chiens Akita courant en rond) et d’autres personnages humains qui attirent les visiteurs dans une ambiance de loisir. L’intérieur du musée est réservé aux peintures, aux estampes, aux objets artisanaux et aux petites sculptures — dont au moins deux figures des sculpteurs français Auguste Rodin et Aristide Mayol, qui auraient eu une grande influence sur les sculpteurs japonais.
Mais la spécialité du Musée d’Art Moderne d’Akita, c’est l’Akita ranga. Le ranga étant une école de peinture japonaise de style « hollandais », l’Akita ranga en était l’éphémère déclinaison locale d’environ 1773 à 1780. Si le ranga imite les traditions d’illustration et de figuration occidentales, par exemple en insistant sur les jeux de lumière et d’ombres sur les objets dans la perspective, en laissant peu d’espace blanc et en utilisant des huiles et des résines pour simuler la peinture à l’huile, l’Akita ranga s’en distingue principalement par ses thèmes et ses compositions qui s’alignent avec la peinture japonaise traditionnelle.
À l’origine de l’Akita ranga, c’est le pharmacologue, inventeur et peintre Hiraga Gennai, érudit des études occidentales, qui introduisit les techniques du ranga au seigneur Satake Shozan de l’ancien domaine de Kubota pendant la période d’Edo. Shozan envoya son vassal, le jeune peintre Odano Naotake, à Edo pour approfondir ses études de la peinture en général et du ranga en particulier. De retour à Kubota, Naotake et ses collègues, dont Satake Yoshinori, ont peint les œuvres essentielles de ce qui est devenu l’Akita ranga, inspiré notamment par des études de plantes, d’oiseaux et de paysages naturels.
Le Musée d’Art Moderne d’Akita présente une occasion exceptionnelle de voir ces tableaux d’Akita ranga de près (les œuvres exposées changent environ tous les deux mois), en plus dans le contexte de peintures traditionnelles japonaises (nihonga) et d’autres images occidentales des temps modernes.
Rendez-vous dans les villes d’Akita et de Yokote pour découvrir des traditions artistiques et artisanales qui sont propres à la région d’Akita, tout en absorbant des influences culturelles venues d’ailleurs. Au bout de ce voyage, vous reconnaîtrez sûrement en filigrane l’énergie qui fait de ce pays de neige une mine d’art, d’or et d’argent.